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      L’article 4 du traité CECA affirmait que les droits d’entrée ou de sortie ou taxes d’effet équivalent (TEE infra) sont incompatibles avec le Marché commun du charbon et de l’acier. L’article 93 du traité CEEA ainsi que l’article 16 du traité CE prévoyaient l’abolition de ces mesures. De ce fait, durant la période transitoire, neuf directives de la Commission ont eu pour objectif d’accompagner l’abolition de ces taxes. Désormais, le TFUE interdit ces taxes à l’article 36.

 

       Cependant, aucune définition des TEE n’est donnée par le traité. De ce fait, et afin de rendre l’interdiction effective, la Cour de Justice s’est lancée dans la construction de leur régime juridique. Elle a commencé par donner un effet direct à l’article dans l’arrêt Van Gend En Loos (1) pour finalement annoncer leur définition à l’occasion de l’arrêt Commission c/ Italie (2). D’après ce dernier :

 

 

 « Une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique et frappant les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d’effet équivalent, alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle n’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale ».

 

 

Ainsi, afin d’englober le plus de comportements litigieux que possible dans la notion de TEE, les diverses qualifications nationales sont rejetées par la Cour (3). Dans le même sens, l’organisme percevant ces taxes est également indifférent (4). De ce fait, une TEE peut prendre la forme d’une taxe fiscale ou d’un impôt et être perçue par les services douaniers, financiers ou fiscaux.

 

       

 

        Il est de ce fait possible de dégager des critères de qualification de TEE (5) :

 

 

 

=>Origine de la taxe : l’article 12 du traité CEE parlait de « droit de douane entre Etats membres ». L’actuel article 30 TFUE évoque les TEE entre les Etats membres. De ce fait, il est à supposer que les TEE ont une origine étatique. Cependant, la notion d’Etat a été interprétée largement par la Cour. En effet, les TEE peuvent être adoptées par les collectivités territoriales ou encore des organismes privés exerçant des prérogatives de puissance publique.

 

La TEE peut-elle avoir une origine européenne ? D’après la Cour de Justice, les redevances perçues par l’Union ou les Etats membres sur la base de législations européennes peuvent être constitutives de TEE car elles constituent une entrave à la libre circulation des marchandises (6). Cependant, il faut distinguer les TEE d’origine européenne et les redevances fondées sur le droit de l’Union. En effet, ces dernières sont licites (7) à condition de satisfaire aux conditions dégagées par la Cour (8). Ainsi, la redevance est licite si elle est obligatoire, justifiée par des contrôles d’intérêt général de l’Union et si son montant ne dépasse pas le coût réel de ces contrôles. Pour finir, cette redevance doit avoir pour objectif de faciliter l’exercice de la libre circulation en mettant à mal les mesures unilatérales étatiques (9).

 

=> Fait générateur de la TEE : en évoquant les taxes « à l’importation et à l’exportation », l’article 30 TFUE semble poser le critère d’un franchissement de frontière étatique interne à l’Union pour l’application de l’interdiction. Cependant, là aussi, c’est une interprétation large de la notion de « frontière » qui a été retenue par la Cour. De ce fait, le lieu de perception de la TEE est indifférent sachant que cette perception peut avoir lieu à l’intérieur de l’Etat concerné.

        Outre cette absence de franchissement de frontières, la frontière locale a également eu l’occasion d’être assimilée à une frontière nationale (10).

        Pour finir, la Cour a considéré que les TEE postérieures à la période transitoire devaient également disparaître dans les relations avec les pays tiers. En effet, selon la Cour, le maintien de ces taxes mettrait en cause le principe d’unicité du tarif douanier commun et pourrait créer des distorsions entre les Etats membres (5 idem). 

 

 

=> Objet de la taxe : Si la présence d’une charge pécuniaire est exigée pour la qualification de TEE, le montant de cette dernière reste cependant indifférent. En effet, selon la Cour, toute charge entraîne une augmentation du prix et donc devrait être interdite (11). Même lorsque la taxe n’est pas discriminatoire envers les produits étrangers, celle-ci est interdite (12). La taxe est également interdite alors même que le produit étranger n’entre pas en concurrence avec une production nationale (13). Les effets de la TEE sont donc négligeables, elle est interdite de par sa seule existence.

      De ce fait, les justifications des Etats sont inopérantes (14). Ainsi et à titre d’exemple, la protection de l’environnement n’est pas un motif recevable (15).

 

=> Il ne faut pas confondre les TEE illicites avec les impositions intérieures prévues aux articles 110 à 113 du TFUE, qui elles, sont tout à fait légales. Ces deux qualifications sont non-cumulatives (16). L’imposition intérieure a pour caractéristique de s’appliquer indifféremment aux produits nationaux et étrangers (17) et est indépendante des mouvements transfrontaliers (18) tandis que les TEE s’appliquent aux produits à l’occasion d’un franchissement de frontière.

        Ces deux qualifications se distinguent dans le fait que les TEE sont en principe illicites tandis que les impositions intérieures bénéficient d’une présomption de licéité qui tombe lorsque ces dernières se montrent discriminatoires à l’égard des produits étrangers (19). En effet, même pour cette redevance intérieure, il se peut que la norme ait l’air indifféremment applicable aux produits étrangers et nationaux mais qu’en réalité elle ait pour but de taxer les seuls produits importés (Cf. l’affaire de la taxe des bananes en Italie (20).

        Pour finir, selon la Cour, si le produit d’une imposition intérieure profite exclusivement aux produits nationaux, cette dernière doit être qualifiée de TEE. A l’inverse, si le produit ne profite que partiellement aux produits nationaux, la redevance garde la qualification d’imposition intérieure mais est réputée discriminatoire et de ce fait est rendue illicite (21).

 

 

Comportements prohibés :

 

 

=> En ce qui concerne les frais administratifs, avant l’instauration du marché unique le 1er janvier 1993, des formalités relativement lourdes étaient présentes à l’occasion du franchissement des frontières. Ainsi, ces formalités étant coûteuses, des taxes étaient instaurées en guise de contrepartie financière. Cependant, le Document Administratif Unique a été instauré afin de permettre une simplification des procédures. De ce fait, si des documents subsistent à titre gratuit, ils ne pourront pas être qualifiés de TEE, mais de MEERQ.

 

=> La Commission surveille les échanges de marchandises entre Etats membres afin de recueillir des données statistiques ou d’utilité économique. Pour cela, les Etats doivent se doter de services publics pour la récolte des données sans faire payer le prix de cette récolte aux usagers. De ce fait, les taxes instituées seraient interdites.

 

=> Lors du franchissement des frontières internes à l’Union, des contrôles techniques et sanitaires peuvent avoir lieu. Ces contrôles étatiques sont coûteux et ne sont licites que s’ils respectent la législation européenne et ne faisant pas reposer sur les usagers leur coût (22).

 

 

Redevances licites :

 

 

Ces redevances licites doivent être appréhendées comme un service rendu dont la taxe est la contrepartie :

 

=> La taxe récompensant un service effectif est licite si elle porte sur une action positive quantifiable et non pas seulement une contrainte s’imposant aux Etats membres (23).

 

=> La taxe résultant d’un service facultatif est licite à condition de ne pas découler d’une formalité administrative ou douanière obligatoire (24).

 

=> Le service individuel procurant un avantage individuel à l’opérateur économique est licite.

 

Dans tous les cas, le coût de la redevance doit être proportionné au service rendu.

 

 

Le Remboursement :

 

 

        Comme pour la définition de la TEE, le traité ne prévoit pas le régime sanctionnant la violation d’interdiction des TEE. La Cour de Justice est donc intervenue afin de combler cette lacune.

        La Cour a ainsi opté pour le système de remboursement qui est selon elle le seul efficace pour sanctionner les Etats (25). En effet, le remboursement est « la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions communautaires interdisant les TEE aux droits de douane » (26). La répétition de l’indu est de ce fait avancée (27) et il appartient donc à l’Etat de reverser le montant des TEE aux opérateurs économiques.

        L’obligation de remboursement débute dès la naissance de la redevance illégale et de ce fait, souvent, dès la naissance de la TEE. La Cour de Justice permet cependant au nom du principe de sécurité juridique de faire naître l’obligation de restitution à partir de l’arrêt. Ceci s’applique lorsque ça profite à tous les Etats membres et tous les opérateurs économiques (28).

        En ce qui concerne le montant du remboursement, la Cour peut soit le diminuer soit le majorer. En effet, une minoration est admise lorsque la TEE est très ancienne et procurerait de ce fait à l’opérateur économique un avantagé disproportionné par rapport à ses concurrents (29). La Cour comme dit supra peut aussi majorer le montant du remboursement si le requérant a subi un préjudice spécifique en raison de la TEE (30).

        D’après le principe d’administration indirecte, les Etats membres bénéficient d’une autonomie institutionnelle et procédurale. Le remboursement est de ce fait prononcé par les Etats membres. Cependant, le principe d’autonomie a pour corollaires deux tempéraments, à savoir le principe d’équivalence, garant d’un traitement identique au traitement national et le principe d’effectivité, garant de l’efficacité des droits résultant du droit de l’Union européenne. Ainsi le requérant doit pouvoir bénéficier des mêmes garanties procédurales que pour les recours internes de même importance et ce recours ne doit en aucun cas être rendu impossible par d’éventuelles exigences spécifiques (31).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 : CJCE,Van Gend En Loos 5.02.1963 aff. C26/62

2 : CJCE, Commission c/ Italie 1.07.1969 aff. 24/68

3 : Commission c/Grèce aff.229/87 15.11.1988)

4 : CJCE, IGAV c/ENCC 15.06.1975  aff. 94/74

5 : Louis DUBOIS et Claude BLUMANN Droit matériel de l'Union européenne et Michel AIME Douanes (Droits de douane et taxes d'effet équivalent) Répertoire de droit communautaire janvier 2008, dernière mise à jour janvier 2014.

6 : CJCE, Stratmann GmbH 30.05.2002 aff. C-284/00

7 : CJCE, Bauhuis 25.01.1977 aff. 46/76

8 : CJCE, Commission c/ Allemagne 27.09.1988  aff.18/87

9 : CJCE, Commission c/ Allemagne 27.09.1988 aff. 18/87 et CJCE Stratmann GmbH 30.05.2002 aff. C-284/00

10 : CJCE, Legros 16.07.1992 aff. C-163/90

11 : CJCE, Bauhuis 25.01.1977 aff.46/76

12 : CJCE, Commission c/Italie 1.07.1969 aff. 24/68

13 : CJCE Cooperativa Frutta 07.05.1987 aff. 193/85

14 : CJCE, Capolongo 19.06.1973 aff. 77/72

15 : CJCE, Commission c/Italie 21.06.2007 aff. C-173/05

16 : CJCE, Freskot AE 22.05.2003 aff. C-355/00

17 : CJCE, De Danske 17.06.2003 aff. C-383/01

18 : CJCE, Nadasni et Ilon Németh 5.10.2006 Aff. C-290/05

19 : CJCE, Charalampos Doumias 3.02.2000 aff. C-228/98

20 : Cf. l’affaire de la taxe italienne sur les bananes : CJCE, 7 mai 1987 Cooperative Co. Frutta aff.193/85 : l'Italie avait imposé une taxe à première vue ne distinguant pas entre les produits nationaux et importés. Cependant, cette taxe portait sur les bananes, or il n'existe pas de culture de bananes en Italie. La taxe ne portait donc évidemment que sur les produits importés. 

21 : CJCE, Conseil régional de la Réunion 19.02.1998 aff. C-212/96

22 : CJCE, CRT France International 22.04.1999 aff. C-109/98

23 : Louis DUBOIS et Claude BLUMANN Droit matériel de l'Union européenne.

24 : CJCE, Commission c/ Italie 9.02.1994 aff. C-119/92

25 : CJCE, Denkavit Italiana 27.03.1980 Aff. 61/79

26 : CJCE, Kapniki-Michaïlidis 21.09.2000 aff. C-441 et 442/98

27 : M. Pietri et D. Simon La jurisprudence en matière de répétition de l'indu : confirmation, précisions, inféchissements? Europe nov 1998 chr. p4 et Louis DUBOIS et Claude BLUMANN Droit matériel de l'Union européenne 

28 : CJCE, Legros 16.07.1992 C-163/90

29 : CJCE, Société San Giorgio 9.11.1983. aff. 199/82

30 : CJCE, Société Hans Just 27.02.1980. aff. 68/79

31 : Chahira BOUTAYEB, Droit institutionnel de l'Union européenne

 

 

Sources principales ayant permis la rédaction de la partie sur les TEE : 

 

=> Louis DUBOIS et Claude BLUMANN Droit matériel de l'Union européenne

=> Michel AIME Douanes (Droits de douane et taxes d'effet équivalent) Répertoire de droit communautaire janvier 2008, dernière mise à jour janvier 2014

=> Répertoire de droit communautaire, « union douanière », Claude J. Berr, août 2007

 

Taxes d'effet équivalent à des droits de douane

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